"Propos sur la peinture naive"
Par Monsieur Jean ROUSSEAUX
Le samedi 14 octobre 2023 à 15h au Palais de la Culture
C'est au Salon des Indépendants de 1886 que le mot naïf apparait pour la première fois dans la peinture pour caractériser les œuvres présentées par un inconnu,
Henri Rousseau. Pour cette fin de XIXème siècle, un peintre naïf c'est un autodidacte qui ne respecte aucune des règles de la peinture académique. Son
inspiration est populaire, ses sujets des paysages, des scènes de rue, des animaux, des portraits. Bref c'est un peintre du dimanche. L'œuvre d'Henri Rousseau
en est la parfaite illustration. Ce fils de ferblantier, devenu employé d'octroi, d'où le surnom de douanier, a produit des tableaux, un peu ridiculisés
d'abord, qui obtinrent un succès d'estime. Des peintres renommés comme Derain ou Picasso, des littérateurs comme Apollinaire et des d'amateurs d'art les
appréciaient. Son œuvre profondément originale qui affirmait un style nouveau se voyait par certains qualifiée de géniale.
La naïveté devenant à la mode, les marchands d'art révèlent au public des peintres inconnus, au style réputé naïf mais dont il serait naïf de croire leur
peinture naïve comme le soulignait Aragon. Ainsi on découvre Séraphine de Senlis, Bauchant, Bombois, Vivin et bien d'autres si bien que l'on a pu dire que
l'art naïf a émergé grâce aux collectionneurs et aux marchands d'art. Ces peintres naïfs étaient des gens du peuple, plusieurs devaient leur notoriété tardive
à Wilhelm Uhde, un négociant amateur d'art qui a installé l'art naïf sur la scène française. Progressivement le champ de l'art naïf s'est élargi aux primitifs
italiens et flamands, au primitivisme chrétien .La naïveté règnerait-elle partout dans la peinture ?
Ainsi les grands maitres modernes, Cézanne, Gauguin et d'autres qui ont montré que le génie de la création n'avait guère besoin de l'enseignement académique
pour s'exprimer auraient-ils aussi, volontairement ou non, fait preuve de naïveté dans leur œuvre ? La réponse est ambigüe car lorsque leur quête d'une
originalité plastique ramène ces créateurs à « l'innocence première, à l'instinct retrouvé » dont parlait Apollinaire, ce n'est pas à leur sincérité, à leur
ingénuité, à leur naïveté, qu'on l'attribue mais au contraire on loue leur souveraine et consciente intelligence et leur génie.
Une évocation des œuvres de quelques « naïfs » et une brève incursion dans celles de Cézanne, Gauguin ou Matisse montrera que la naïveté imprègne souvent la
peinture et que la peinture dite naïve s'impose comme un art authentique qui a toute sa place dans l'histoire de la peinture occidentale.
Toutes les conférences de la saison >>>