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Le voyageur

par Laurence Meyer-Daubord


Il régla le compteur sur moins trois cents
Il se devait d’inspecter l’Humanité d’avant,
Il se disait que  précisément en repartant
Avant le début des grandes guerres
L’Homme serait sans nul doute différent,
Que les nations seraient prospères,
Sous la conduite de rois éclairés
Oeuvrant pour le bien de leurs sujets.

Làs ! mais que vit-il
Au joyeux temps de la Royauté ?
Une cohorte d’imbéciles,
Jaloux de leurs privilèges, souvent débauchés,
Piétinant leurs peuples entassés dans la boue,
La maladie, le désespoir, 
L’injustice qui rend fou ;
Sauf pour les anoblis, partout la misère noire.

Il se dit alors : « Remontons plus avant
Peut-être à la Renaissance
Où l’Homme se montra si savant,
Amoureux des arts, des sciences
Il se dit « siècle 16, allons vérifier
S’il n’y a pas trace d’humanité »                                               

Certes, de grands esprits, il y en eut
Mais combien de  vils massacres,
De luttes, de trahisons pour un sacre
De meurtres, de parricides
Pour des seigneurs liberticides,
Au nom de la religion qui tue
« Cela, je ne l’ai vraiment pas voulu. »

« Continuons, se dit-il, allons voir de près
Ce Moyen-Age qu’on dit enchanté
Où les dames eurent pouvoir et liberté
Y aurait-il enfin une raison d’y croire ? »
Ce qu’il vit l’horrifia, le rendit fou.
Guerres, mutilations,
Tortures, désolations,
Les femmes forcées, les serfs à genoux,
Les bourgs ravagés par les  soudards,
Brûlés par ceux qui se disent chevaliers
Et se conduisent néanmoins en pendards.

« Après tout, il nous reste, semble-t-il
Encore à visiter la  Préhistoire
L’aube de l’Humanité, les premiers ustensiles
En la vertu de l’Homme, on ne peut que croire.

L’Homme imagine, l’Homme invente
L’Homme garde le feu, dans la grotte, sous la tente,
Mais l’Homme veut un plus grand terrain,

Des femmes, des troupeaux, il en veut plein

Et on sent déjà poindre la haine
De celui
Qui n’est plus reconnu
Comme le chef de tribu
Dépossédé, honteux,
Il s’en ira la nuit pour dérober le feu,
Soucieux avant tout de vengeance,
Là  commence l’histoire de la violence.

La terre que je leur ai confiée était belle pourtant
Ils auraient dû  l’améliorer avec le temps
Il y avait la maladie, la violence peste et choléra,
L’espoir d’une vie meilleure l’emportait sur tout ça.
Je contemple à présent les guerres passées
Massacres inutiles, atroces déportations,
Je ne puis plus vraiment espérer
De cette race une juste amélioration.

Autrefois, j’avais accepté d’Abraham
Qu’il trouvât dix justes pour les sauver des flammes,
Ces cités orgueilleuses, ces nations pécheresses,
Ces hommes impies, violents sur leurs femmes
Est-il encore temps ? Y a-t-il au moins un Abraham ?
Le concert des nations ne voit-il pas les flammes ?

IL régla le curseur sur moins cinquante mille
Il le fit par la pensée, non avec un quelconque fil,
Il appuya sur le bouton

DESINTEGRATION

Et fila au firmament sans regarder derrière
- pour ne pas être changé en pierre ! –
Un éclair blanc jaillit,  et ce fut tout.
 La nuit, le silence, le rien, le tout.

 L’esprit d’Elohim planait de nouveau
                    Au-dessus des eaux.