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Obsession

par Stéphanie Albarède

 

Je ne peux plus lire … Tu te glisses discrètement entre les lignes.
Tu es loin et pourtant si présent.
Je ne peux plus lire… Tu te loves contre les mots, annexant ma pensée.
Je me laisse absorbée par tes incessantes intrusions.
Je ne peux plus lire... Les lignes ondulent au souvenir de tes caresses, les caractères s’évadent dans un flou intimiste.
Mes absences captent ta présence.
Je ne peux plus lire… Les lettres s’envolent au souvenir de ton souffle, effaçant le héros pour que mirage tu deviennes.
Je me laisse capturée par cette illusion.

Le roman m’échappe… Tu voiles les paragraphes d’une sensation de toi.
Je tente de t’éclipser par un retour à la ligne.
Le roman m’échappe…Tu emplis les espaces, cimentant les mots en un serpent de jais.
Je souffle éparpillant ton image sur la page frissonnante.
Le roman m’échappe… Les caractères valsent au grès de tes apparitions.
Je tiens tête aux lettres volages en les fixant intensément.
Le roman m’échappe… Tes étreintes renaissent dans le o qui enlace le e.
Je résiste et m’étire pour faire disparaitre la sensation de tes bras.

Je n’y arrive plus… Je bute sur les points, je trébuche appréhendant la fin.
La page qui tourne me rappelle à la réalité de la fiction qui se déroule sous mes yeux.
Je n’y arrive plus… Les points d’interrogation réveillent mes doutes et mes craintes.
La page qui tourne me rappelle à la réalité de ton absence.
Je n’y arrive plus… Le héros ne peut parer à toutes tes attaques.
L’appel de l’intrigue me tiraille entre le désir de toi et de l’oubli de nous.
Je n’y arrive plus… Tu as mis mon échappatoire entre parenthèses.
Ton absence a dressé un paravent de chimères.

Je referme le livre,
Ni avec toi ni sans toi.
Je ne veux plus de dérobade à mon obsession,
Je capitule.
Je me laisse glisser dans une absence totale,
Afin que l’oubli du moi rende le nous vivant.