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Les rues de mon quartier

par Jean Roussaux


Les rues de mon quartier,

A l’âge des souvenirs, ces témoins du passé,
Je me revois enfant
Et je me remémore les rues de mon quartier.

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Du cœur de la ville, elle se coulait sous les cinq arches,
Elle s’agrippait au coteau,
Entre deux champs de pierres, inondés de soleil
Elle offrait ses pavés à nuls autres pareils,
Puis la côte oubliée, de coquets pavillons
Et de haies de lyciets elle se trouvait bordée.
Elle débouchait enfin sur de verts horizons,
Vers Rueil,  Nanterre, la Boule ou le mont Valérien
Dont la funeste rue ne savait point encore
Combien d’hommes courageux elle mènerait à la mort.
Comme elle montait durement ma rue des Bas Rogers
Que d’un lieu-dit ancien on a si mal nommée.

  Entre deux travées d’immeubles aux toits gris,
Précédés d’un lavoir à l’immense cheminée
Qu’hérissaient quatre épines que la foudre atteignit
Elle offrait aux passants l’hiver des ondes glacées.
Puis par un jardin glissant soudain en pente douce
Vers un talus herbeux portant la voie ferrée,
Par quelques maisonnettes et un petit café,
Face au mur anonyme du parc Lorilleux.
Elle achevait son cours sur la verdure d’un square
Et l’énorme navire à la brique écarlate qui dominait la gare.
Elle se nommait Cartault , comme elle se nomme encore.

Toujours chic et proprette, aux pavillons cossus fleuris de jardinets,
Des bassins mystérieux qu’un haut talus cachait,
De Pasteur l’hygiéniste déjà elle se parait.

Noire était la nuit percée de réverbères blafards
Dont la lueur irisait des flaques d’eau stagnante
Et des trottoirs disjoints, un voie ravinée,
De lépreuses demeures, une usine attenante
Et de multiples friches.
Où étaient  les Tilleuls qui l’avaient baptisée ?

Un mobilier brûlé pour de la porcelaine,
Pourtant on ne voyait qu’usine et brasserie
Dont les toits émergeaient  au dessus d’un mur gris..
Des maisonnettes sans grâce, des jardinets herbeux
Des palissades noires que perçaient des lyciets,
Une grande bâtisse en angle, un bout de rue désert
Menaient  vers les Bergères, la place et son  marché
Ou le chemin des eaux aux flaques légendaires.
A Bernard Palissy elle se trouvait dédiée.

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Tant de voies ont maintenant si vite disparues
Que le tracé durable
Des rues de mon quartier
Malgré les constructions les rend reconnaissables
Mais c’est bien le souvenir de ce  qu’elles ont été
Dont je garde précieusement l’image ineffaçable.