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Le jeu de l'ange de Carlos Ruiz Zafon 
Ed. R. Laffont.- 536 p.

par Nathalie Levassort

 

Barcelone « la Rose de Feu »

Pris dans le cycle éternel de vie et de mort, l’homme, seul animal doué de morale, réinvente la vie ; il se doit d’aimer afin de survivre et de croire, et ainsi ne pas désespérer. Sinon, le voilà maudit : condamné à souffrir tel David Martin, l’enfant meurtri, pauvre et orphelin, devenu écrivain. A-t-il vendu son âme au diable en acceptant l’offre inespérée d’un éditeur afin d’écrire un livre comme il n’en a jamais existé ?
Peut-on conseiller au lecteur de délaisser l’intrigue faustienne ?

En revanche qu’il se laisse aller au rythme envoûtant des phrases de Carlos Ruiz Zafon. Il déambulera ainsi dans les rues de la turbulente Barcelone des années 20 : sombre et flamboyante ; humide ou solaire. Il croisera des personnages attachants ou des intrigants, des modestes et des puissants… Il entendra des histoires d’amour impossibles et se joindra à une réflexion très intéressante sur la foi, la transmission des mythes. Il devinera la voix latente de l’auteur livrer son amour des livres, des mots et combien écrire des histoires est un acte incarné, physique fait de chair, de sang et de larmes. L’auteur dénonce, au passage, le romancier qui, lorsqu’il endosse le rôle de l’intellectuel et se pique d’écrire un livre trop ambitieux, néglige alors ses lecteurs et ce qui fait son succès : l’aventure et le mystère.

Il y a erreur sur le choix du genre littéraire : pseudo thriller ésotérique. L’intrigue (décevante) n’est qu’un paravent : l’auteur s’est caché derrière, sans doute à tort. Au fil du roman, il la délaisse au profit de la quête tourmentée de David, la sienne peut-être… comme si l’âme, le cœur des personnages s’échappaient du cadre trop étroit imposé par leur créateur.

La résolution de l’énigme est maladroite, la dimension fantastique révèle quelques clichés, la dimension symbolique est, quant à elle, un peu obscure…

Mais quel plaisir de se perdre dans les couleurs, les maisons, les âmes de ce roman. C’est là que réside la force de cette histoire.

On sent planer L’Ombre du Vent, son précédent roman : on y retrouve le Cimetière des livres oubliés,  un endroit réservé aux initiés où les livres ne meurent jamais ainsi que la figure du héros en mal d’amour paternel.

Finalement le lecteur doit passer un pacte avec l’auteur : celui de se laisser mener par cette plume mystérieuse et romanesque.