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Le Cœur cousu de Carole Martinez 
Ed. Gallimard, 428 p. (ou en éd. poche Folio)

par Nathalie Levassort

Une atmosphère qui nous subjugue…
Un style qui nous bouscule…
Surprenant et puissant

Carole Martinez tisse la trame des événements qui jalonnent le destin de la famille Carasco. Et le lecteur se laisse prendre dans la broderie sinueuse, remontant le fil de l’histoire. Les mots lui serrent la gorge et le ventre.

Jamais l’auteur ne nous déborde d’émotion ni ne joue avec la sentimentalité, la facilité. Aucune concession au lecteur n’est accordée, à qui elle ne laisse pas le temps de s’apitoyer sur le sort de ses personnages à la Garcia Marquez.

Ses mots restent dignes et âpres : elle nous aspire dans ce conte que narre Soledad, la dernière enfant de cette famille maudite par les hommes.

Car il suffit de si peu pour s’attirer l’opprobre du village.

Il suffit  d’aimer la couleur dans ce paysage de robes sombres. Il suffit d’avoir un don, des enfants un peu différents… et l’accusation de sorcellerie n’est jamais loin, quand rôde la méfiance et glissent les messes basses.

Noyau insoluble, la mère tirant sa marmaille sur une charrette, la famille vit des aventures incroyables sur les routes caillouteuses qui mènent d’Espagne en Afrique du nord.

A chaque lecteur de déceler entre les pépites du récit merveilleux, la douleur et la force d’une famille face aux épreuves. Un voyage étonnant où le cocasse atténue le cruel.

Ce cœur cousu ne le sera pas de fil blanc.

Et pourtant, Frasquita, la mère, aura le talent de confectionner de si belles robes de mariée qui ne feront  pas sa fortune.

Soledad, en écrivant ce que sa sœur aînée contait, veut rompre le cycle de la douleur puis refermer à tout jamais une mystérieuse boîte que se léguaient les femmes de la famille.

Autant de talent dans un premier roman laisse admiratif !!!

L’histoire est très riche sans être indigeste, les personnages sont hauts en couleur. Beauté des paysages entre sol y sombra où se jouent la violence de l’amour ou du désamour ; pudeur du cœur cousu qui recèle secrets, peurs, courage… Les cœurs entremêlés de cette fratrie étreignent le notre.

Pouvoir magique de l’écriture : la plume de Carole Martinez est déjà si maîtrisée et fait preuve d’originalité. Un deuxième roman en préparation. A suivre donc…

Les prix « Étonnants voyageurs ; Ouest-France ; Renaudot des lycéens … », entre autres, ont été décernés pour ce roman à Carole Martinez, professeur de français à Issy-les-Moulineaux.