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La voleuse de livres de Markus Zusak

par Stéphanie Albarède et Nathalie Levassort

 

Quand la mort parle, vous avez tout intérêt à l’écouter !

 

Voici un récit qui ne peut qu’envoûter, émouvoir voire bouleverser le lecteur.

Dans l’Allemagne nazie, Liesel est confiée par sa mère à des parents nourriciers alors que son petit frère vient d’être tué sous ses yeux.
Malgré le froid, la faim, la misère, la guerre, elle découvre qu’il y a des êtres qui ont su rester bons et généreux et qui n’ont pas peur de désobéir aux règles d’un tyran. Elle fait face à la dure réalité de cette époque grâce aux parties de football avec Rudy, aux mélodies de l’accordéon de son papa d’adoption, à ses escapades au fond de la cave où Max le juif se cache et surtout grâce aux livres qu’elle vole. Oui, Voler est le seul moyen dont elle dispose pour obtenir ces livres pourvoyeurs d’un bonheur salvateur bien qu’éphémère. Les mots sont là, béquilles d’une enfance déchirée, passeport pour échapper à la monotonie de l’école, la lâcheté, l’injustice, la soupe de pois quotidienne, le cauchemar du train qui disparaît dans la nuit…

Mais peut-on voler le bonheur ?...

Ce récit est à la hauteur de la toute jeune fille et de ses sentiments : il y a la réalité des adultes, comme une rumeur lointaine belliqueuse, qui pénètre de temps à autre dans sa bulle bien à elle. Elle se défend avec les armes que son âme d’enfant lui donne, le rêve, le jeu… Car tant que l’esprit blessé peut ouvrir une fenêtre sur l’évasion pour fermer, même épisodiquement, celle de la souffrance de la guerre, l’être humain parvient à survivre.
Les personnages secondaires, adultes comme enfants,  sont tout aussi attachants que Liesel : quelle galerie de portraits toute en nuances ! Marcus Zusak a su les rendre intéressants en distillant lentement les facettes de leur personnalité. Peu à peu, à travers les épreuves, leurs caractères se dessinent. Les sentiments s’expriment alors. Ainsi, l’amour, l’amitié, la solidarité deviennent des remparts contre la peur, la faim, la menace nazie ; quand ne serait-ce que vivre, c’est déjà résister.

Résister pour ne pas être emporté par la mort qui rode… La mort, elle est là, sans sa faux et son capuchon noir. Elle est là et c’est elle qui nous parle. Elle nous raconte la vie de Liesel car elle est amenée à la croiser à plusieurs reprises sur ce charnier qu’est devenue l’Europe. Elle l’a vu voler son premier livre et s’est attachée à son histoire qu’elle nous transmet ici. Dans cette chronique de guerre, simple et profonde, Madame la Mort n’est pas le diable, ce n’est pas elle qui fauche les hommes. Ils se débrouillent très bien tout seuls. Elle fait juste son travail : simple fossoyeur des âmes. Invisible et fataliste, elle est la spectatrice impuissante du mal infligé par des hommes à leurs semblables.

Ce récit n’est pas un témoignage, il n’emploie jamais un ton larmoyant ou dénonciateur. Et pourtant, que de choses dites entre les lignes… La voix de Liesel fait écho à celle d’Anne Frank, l’une allemande, l’autre juive : nous connaissons la fin tragique d’Anne, qu’en sera-t-il du sort de Liesel ?

Un récit de plus sur cette période de notre histoire me direz-vous. Non, vous répondrai-je. Son originalité tient autant du fond que de la forme. Peu de livres évoquent cette période de l’histoire en montrant le quotidien du peuple allemand. Jamais la mort n’a été narratrice d’un roman. Ce livre est donc unique en son genre.

« La Voleuse de livres  appartient à ce genre hybride d'ouvrages destinés à la fois aux adolescents et aux adultes - d'où sa parution simultanée en jeunesse et au rayon adulte. Cela en fait une sorte de roman universel et "global" : traduit en 20 langues, ce livre connaît un grand succès en Australie, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. » (Le Monde 6 avril 2007)

Marcus Zusak, 30 ans, australien, est l’auteur de livres souvent primés.