Sept mers et treize rivières


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Littérature > Coup de coeur > Sept mers et treize rivières

Sept mers et treize rivières de Monica Ali

par Stéphanie Albarède

 

« Sept mers et treize rivières » est une histoire qui fleure bon le curry et l’espoir. Mais, le chatoiement des saris ne peut faire oublier que nous ne sommes pas dans un conte des milles et une nuit. L’héroïne, Nazneen, est vouée par sa naissance à une vie de femme soumise. Née au Pakistan, elle quitte son pays pour rejoindre en Angleterre l’homme auquel son père l’a mariée. C’est le choc de deux cultures. Une vie de recluse, un petit appartement dans un des ghettos londoniens, un mari bouillonnant d’idées jamais appliquées, qui n’obtiendra jamais le travail qui leur permettrait de retourner au pays, trois enfants dont un qui décède en bas âge...Nazneen, stoïque observe, apprend les facettes de la vie. De cette lente méditation, sortira une femme libérée. Qui reconnaîtrait dans cette femme lovée dans les bras de son amant islamiste la jeune pakistanaise qui, arrivée quelques années plutôt, cherchait refuge dans la prière pour éviter de penser ? Cet adultère que Nazneen décrit elle-même comme « une lueur de petit matin sur une vie crépusculaire » lui fait réaliser qu’elle est en droit de penser : «Moi seule déciderai de ce que je dois faire. Moi seule déciderai de ce qui va arriver. Moi seule ».
Mais « Sept mers et treize rivières » c’est aussi l’histoire de la tentative d’émancipation d’Hassina, la sœur de Nazneen restée au Pays, dont on suit la destinée par courriers interposés. Sa vie est une fuite sans fin : elle s’évade du cocon familial pour un mariage d’amour, elle quitte un mari brutal, puis change son statut de prostituée pour celui de bonne à tout faire 24 heures sur 24... Un père, un mari, un souteneur, des patrons qui l’exploitent. Les Anglais, grands parieurs, auraient sûrement misé sur Hassina, l’insoumise, dans la course à l’affranchissement. La favorite laisse la première place à la résignée.
Même si par moment, la lente évolution de Nazneen traîne en longueur, ce roman se lit avec plaisir. L’humour, avec lequel Monica Ali décrit ses personnages, pimente l’histoire. Le mari de l’héroïne est un véritable trésor de détails amusants. Les lettres d’Hassina sont un délice : le style est authentique et touchant, la description du Bangladesh contraste avec celle de l’Angleterre et nous rappelle le dure réalité des femmes et la loi des castes de ce pays. En changeant le rythme du roman, ces lettres lui redonnent une impulsion. Et, finalement, on oublie les longueurs du livre jusqu’à désirer qu’il ne se termine pas si tôt. On se surprend à vouloir connaître ce que le choix final des deux sœurs leur réserve. Et même si la narratrice nous laisse l’imaginer, elle signe là un très beau roman. Un livre à ne pas rater…