Jean S.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Littérature > Coup de coeur >Jean S.

Jean S. de Alain Absire

par Stéphanie Albarède

 

« Jean Seberg ? » « oui, à bout de souffle ». Peu de gens en savent plus, si ce n’est sa fin tragique. Tout ce qu’on a retenu d’elle, c’est cette image de rebelle fragile qui correspond bien à celle que nous décrit Alain Absire dans son roman. Ce livre vient enfin combler toutes nos lacunes concernant cette actrice mythique.

Une petite fille à fleur de peau, un peu garçon manqué, qui a peur de ne pas être aimée de ses parents, de ses amies et qui recherche, de fait, la reconnaissance de son père qu’elle pense sans cesse décevoir. Une petite fille qui voudrait guérir toutes les souffrances et les injustices du monde. « Elle trouvait révoltant que des malheureux, également aimés de Dieu, soient obligés de supplier pour un soupçon d’humanité ».
Etre aimée et aider les plus démunis, les deux leitmotivs qui la suivront toute sa vie, qui la mineront jusqu’à épuisement. Au début, ses moments d’abattements trouveront l’apaisement grâce à la poésie et à sa grand-mère Frances, bons antidépresseurs inoffensifs. Elle découvre très tôt le théâtre puis le cinéma. Le cinéma, lui, la découvre très jeune. Au commencement du livre, on veut croire que cet art aura pour elle le même effet que Frances. Mais derrière la star qui tend la main aux démunis et aux opprimés, se cache la jeune fille puis la femme fragile angoissée de ne pas être à la hauteur, se culpabilisant de ne pas faire plus pour les autres, qu’il eut fallu protéger. Si dans sa jeunesse, ses périodes de bien-être compensent les moments de mélancolie, avec le temps elles s’amenuisent. Les antidépresseurs devenus chimiques et l’alcool facilitent alors la descente aux enfers.

Excellent documentaire, excellent roman, ce livre nous fait vivre le personnage de l’intérieur et en est d’autant plus émouvant. Le choix de l’auteur, de nous faire entrer dans les pensées de Jean, nous permet de l’aimer, même alcoolique, cyclothymique, mère absente, quasi nymphomane et peut-être paranoïaque. Il nous permet de souffrir avec elle. Sa vulnérabilité nous touche, nous voudrions pouvoir l’aider à se relever et lui souffler à l’oreille qu’elle est belle et qu’elle est loin de ne pas être à la hauteur, nous voudrions lui redonner confiance.
Au-delà de la découverte de l’actrice, ce livre nous fait vivre toute une période du cinéma. Etre dans sa tête, c’est aussi être dans la tête des personnages qu’elle a incarnés. Pour ceux qui aiment plonger au plus profond des livres, lire « Jean S. » c’est aussi revêtir la peau de Jeanne, Patricia, Cécile, Lilith...

On ne jettera donc pas ce livre au bûcher. Bien au contraire, on l’accueillera à bras ouverts malgré son « bonjour tristesse ».