Le tramway à Puteaux, 40 ans d'histoire.
par Jean Roussaux
Le tramway à Puteaux, 40 ans d'histoire.
Le tramway, mode de transport collectif, urbain ou interurbain, circulant généralement sur des rails plats à gorge, fut initialement inventé
aux Etats-Unis par le new-yorkais John Stephenson en 1832.Il s'agissait alors d'une voiture tractée par un cheval qui circulait entre Manhattan
et Harlem. En devenant ensuite à vapeur ou électrique le tramway s'installa dans de nombreuses villes.
Petite histoire du tramway en France.
C'est entre 1850 et 1870 que le tramway hippomobile s'introduisit en Europe en s'installant dans des capitales comme Copenhague, Budapest,
Vienne ou Berlin. A Paris, une première ligne expérimentale fut édifiée pour l'exposition universelle de 1853. Lors de celle de 1867 une desserte
hippomobile de l'exposition fut nommée « chemin de fer américain ». Le tramway hippomobile (fig 1) représente le principal mode de transport en
ville sous le second empire.
Fig 1 : Tramway hippomobile à Paris
La traction par l'animal fut rapidement remplacée, vers 1873, par l'air comprimé (procédé Métarski) ou par des accumulateurs, les motrices se
rechargeant en air comprimé ou en électricité en bout de ligne (fig 2). A la même époque l'ingénieur français Léon Francq met au point une
motrice fonctionnant par accumulation de chaleur qui circulera sur la ligne Paris-Saint-Germain-en-Laye en 1890 (fig 3). Ensuite se généralisent
la traction à vapeur et surtout la traction électrique vers 1881.
Fig 2 : Recharge des accumulateurs
Fig 3 : Tramway Francq au terminus
au terminus Pont de Puteaux
Saint-Germain-en-Laye
Cette dernière est introduite par un ingénieur russe qui réalise un premier tramway électrique expérimental, ce que développe ensuite l'ingénieur
allemand Werner von Siemens. La traction électrique gagne rapidement les Etats-Unis mais rencontre des résistances en Europe, beaucoup de Communes
refusant l'installation de lignes aériennes. En effet le courant est d'abord acheminé par le rail puis ensuite par caténaires à partir de 1891. Si
un tramway électrique circule près de St Pétersbourg en 1880, en France ce n'est qu'en 1890-93 que de telles lignes sont construites à
Clermont-Ferrand et à Marseille. Paris et sa région s'opposèrent d'abord à l'installation de lignes aériennes qui auraient défiguré la ville et
ne développèrent cette traction qu'à partir de 1895, date à laquelle apparaissent les premiers tramways à Versailles.
Si à l'étranger on installait les lignes de tramway sur des sites indépendants des routes réservées aux autres modes de déplacement ce fut le
contraire en France, la plupart des tramways circulant dans le flot des voitures, ce qui à terme aboutit à leur suppression et à leur remplacement
par des autobus.
L'âge d'or des tramways commence au début du 20ème siècle, persiste entre les deux guerres mais s'efface lors du développement de la voiture
individuelle. Toutefois à partir du choc pétrolier de 1973 et des problèmes de congestion urbaine et de pollution liés aux automobiles, on
assiste à un renouveau de ce mode de transport réputé moins polluant et dépourvu de nuisances notables pour l'environnement.
Le tramway en Ile-de-France
Le réseau de tramway est resté bien développé à Paris et en banlieue entre 1853 et 1938 et le réseau versaillais jusqu'en 1957. A la deuxième
moitié du 19ème siècle diverses compagnies de tramway couvrent le territoire, l'une des premières est la compagnie générale des omnibus (CGO)
qui gère un réseau de 260 kms (33 lignes) dont les véhicules sont hippomobiles ou actionnés par l'air comprimé ou la vapeur. En 1887 la compagnie
des tramways de Paris et du département de la Seine (TPDS) est créée. En 1900 son réseau compte 24 lignes couvrant 130 Kms. Elle utilise une
grande variété de véhicules : motrices à vapeur (fig 4) ou électriques alimentées par des accumulateurs puis par fils aériens (fig 5).
Fig 4 : Pont de Neuilly. Motrice à vapeur
Fig 5 : Tramway à perche, rue de Chartres
en direction de La Défense
à Neuilly
En 1910, la compagnie TPDS absorbe plusieurs petites compagnies comme celle qui exploitait la ligne Paris, Saint-Germain-en-Laye (PSG). En 1921
TPDS est englobé dans la Société des transports en commun de la région parisienne (STCRP) qui regroupe toutes les lignes qui sont numérotées de
35 à 80.
La traction électrique
Au début du siècle les compagnies produisaient elles -mêmes leur électricité et revendaient le surplus à des abonnés. L'alimentation des
véhicules s'opérait initialement par batteries ce qui évitait les lignes aériennes inesthétiques. Les batteries étaient placées sous le
véhicule ou sous les sièges des voyageurs mais elles dégageaient des vapeurs acides peu appréciées et nécessitaient de fréquentes recharges.
Lorsque le courant fut apporté par câble le retour pouvait se faire par un deuxième câble (mode trolleybus) ou bien par le rail situé dans le
sol. Mais, si la première solution n'était pas parfaitement satisfaisante le charriot de captage déraillant souvent, la seconde n'était pas
parfaite non plus, elle provoquait des pertes de courant et une corrosion galvanique des rails et des structures métalliques ainsi qu'un risque
d'électrocution pour les passagers en cas de déraillement.
Fig 6 : Usine Ouest-Lumière
Fig 7 : Le port de Puteaux et le quai National,
l'usine est à l'extrême gauche de la photographie
Dans les années 1900-1920 le réseau des tramways était alimenté par des stations comme la Société Ouest-Lumière (fig 6) créée en 1900 et située
au 2 de la rue Volta et au 3-5 quai National (actuellement de Dion-Bouton) qui produisait un courant alternatif pour des lignes de tramways et
plusieurs communes de la banlieue ouest dont Puteaux. L'usine était alimentée en charbon par des péniches (fig 7), le combustible actionnant des
machines à vapeur qui entrainaient des dynamos. L'usine d'abord rattachée au syndicat des communes de banlieue pour l'électricité (SCBPE) en 1924
est intégrée à EDF en 1946.
Le tramway à Puteaux
A Puteaux et à proximité, au cours des années 1880-1938, plusieurs lignes ont été en service. Elles furent l'objet de nombreuses modifications :
prolongation, suppression de tronçons, modifications de terminus. Quant au matériel roulant il comporta au cours du temps de nombreux modèles de
motrices différents, la présence d'une plate-forme (fig 2) ou de remorques appelées « baladeuses » (fig 5) .
Dès 1880 la compagnie TPDS exploite les lignes 9 : Maillot, Courbevoie, La Défense ; 10 : Etoile, Nanterre, Rueil, Port-Marly, Saint-Germain ; 16
: Saint- Augustin, pont de Puteaux qui sera prolongée ultérieurement jusqu'au marché de Puteaux.
A partir de 1920, la société STCRP exploite plusieurs lignes sur Puteaux et sa proximité. La ligne 38 (fig 8) : Maillot (suppression du tronçon
vers porte Champerret dès 1922), Bld Maillot, Bld Richard-Wallace, pont de Puteaux, place du marché, mise en service en janvier 1921, dérive de
la ligne 16 de TPDS créée vers 1880. Les premières voitures étaient à vapeur, puis à accumulateurs et enfin à trolley. Elle sera endommagée par
les inondations de 1910 et un moment fermée. La ligne fut critiquée du fait de son irrégularité dans la desserte des stations et de l'insuffisance
et de la vétusté du matériel roulant.
Fig 8 : La ligne 38 dans Puteaux. De gauche à droite : sortie du Bois de Boulogne et entrée du pont vers Puteaux ; la ligne Bld
Richard-Wallace, angle rue Benoit Malon ; la ligne rue Jean Jaurès ; la ligne place du marché.
On remarquera les rails et les poteaux portant les caténaires.
Déjà en 1922 le conseil municipal de Puteaux réclame la suppression de la ligne 38 et son raccordement avec la ligne 44 du chemin de fer du bois
de Boulogne (44 STCRP) : Saint-Cloud Montretout, Suresnes Val d'or, pont de Suresnes, Bagatelle, Madrid, porte Maillot. La municipalité formula
d'ailleurs de nombreuses requêtes concernant cette ligne 38 dont certaines étaient peu banales comme le report du terminus place du marché à
l'ancienne mairie au moment du 14 juillet afin que l'on puisse danser sur la voie.
Sont également mises en service en 1921 les lignes 41 : Courbevoie, pont de Neuilly, Etoile, Madeleine et 43 : Courbevoie, pont de Neuilly,
Etoile, Ecole Militaire, Gare Montparnasse.
Fig 9 : Tramway 38
Fig 10 : Tramway 58,
Fig 11 : Tramway 75
sur le pont de Puteaux
au loin La Défense
sur le quai National
A la même époque, la ligne 58 dessert Saint- Germain, Bougival, Rueil, Nanterre la Boule, la Défense, pont de Neuilly. Ancêtre des lignes d'autobus RATP
158 et 258 elle passait par la place des Bergères et les actuelles avenues Wilson et Général de Gaulle (fig 10) ; elle est supprimée en 1935.La ligne 75,
desservait Saint-Cloud, pont de Suresnes, pont de Neuilly, gare d'Asnières, place Voltaire, elle passait par l'actuel quai de Dion-Bouton alors quai National (
fig 11) ; elle recouvrait une partie de l'actuelle ligne d'autobus 75 RATP. Elle fut supprimée en 1936.
Après la suppression de toutes ces lignes de tramways et leur remplacement par des autobus, les rails subsistèrent longtemps sur les chaussées formant de
véritables pièges pour les roues des bicyclettes.
En 1997 l'ancienne ligne SNCF ouverte en 1889 pour joindre Puteaux à Issy-Plaine est remplacée par la ligne de tramway T2. Celle-ci, prolongée jusqu'à Porte
de Versailles en 2009 et Pont de Bezons en 2012, assure avec régularité le transport de nombreux voyageurs. La ligne qui dessert le quartier d'affaires de la
Défense conserve encore entre les stations « les Coteaux » et « Issy-Val-de-Seine » quelques tronçons bordés de jardinets et de petits massifs arborés qui
faisaient et font encore le charme de cette ligne.mais pour combien de temps encore ?
Bibliographie :
Anciens tramways d'Ile -de-France, Wikipédia.
Compagnie des tramways de Paris et du département de la Seine, Wikipédia.
FACS : Patrimoine Ferroviaire. Histoire du métro et des tramways de Paris (site internet).
Marc-André Dubout : Image de la ligne : la ligne 38, Porte Maillot, Puteaux (marché) ; Archives municipales de la ville de Puteaux.
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J-R 12/2023