![]() " Le groupe de Puteaux et la « Section d'or » "Par Jean Roussaux
Il y a eu entre 1911 et 1914 un groupe d'artistes et de critiques apparentés au cubisme* qui se constitua à Puteaux autour des Frères
Duchamp, en particulier du peintre Gaston Emile Duchamp dit jacques Villon qui s'était installé à Puteaux dès 1906. Ce groupe réunit
d'abord, à cette époque, Albert Gleizes (plutôt courbevoisien d'ailleurs), Roger de La Fresnaye, Fernand Léger, Jean Metzinger, Francis
Picabia, Henry Valensi et Frantisek Kupka. Un temps, Apollinaire et le critique américain Walter Pach participeront également à ce groupe
auquel Villon donna nom de « Section d'or » parce que l'une de leurs préoccupations était d'ordre mathématique et reliée au nombre d'or ou
section d'or. Autour de ce noyau, se regroupa une nébuleuse d'artistes cubistes tels Jeanne Rij-Rousseau, Henri le Fauconnier, Démétrios
Galanis, Marie Laurencin, Paul Véra, Maurice Princet, le mathématicien du cubisme, Louis Marcoussis et bien d'autres.
D'abord défini par Euclide puis développé par Platon, le nombre d'or ou section dorée ou encore divine proportion au sens du poème musical de
Scriabine, est défini par (a+b) /a = a/b parfois représenté par Φ (Phi, en hommage au sculpteur Phidias). C'est la solution positive d'une
équation du type X2-X-1= 0 qui vaut (1+51/2)/2 = 1,618.. Ce nombre d'or est une curiosité mathématique. Un rectangle d'or a pour longueur Φ
et largeur l'unité. Si l'on retranche de cette surface un carré de côté un, la surface restante est encore celle d'un rectangle d'or et ainsi
de suite. On passe d'un rectangle d'or au suivant en divisant ses dimensions par Φ. On obtient ainsi des rectangles de plus en plus petits
dont le rapport des cotés est toujours de 1,618... On peut aussi définir un angle d'or, une spirale d'or et bien d'autres curiosités
mathématiques autour de ce nombre irrationnel.
![]() Comme depuis les origines on a voulu relier la beauté et l'harmonie à des données mathématiques, l'utilisation du nombre d'or expliquerait la perfection de certaines œuvres comme le Parthénon voire la pyramides de Khéops dont le quotient de l'arête sur le côté vaut approximativement le nombre d'or. On le rencontrerait aussi dans de nombreux tableaux : par exemple dans la naissance de Vénus (fig.1) de Botticelli, dans la célèbre Joconde (fig.2) ou chez le pointilliste Seurat (fig.3). Ces allégations ne sont pas sans susciter de nombreuses contestations. Pourtant depuis cette époque, certains artistes continuent à affirmer qu'il existerait une perfection dans les proportions qui serait à l'origine de la beauté et qui se révèlerait déjà dans la nature végétale ou minérale. ![]() ![]()
Ces préoccupations mathématiques furent surtout développées au sein du groupe de Puteaux en particulier par Marcel Duchamp qui s'intéressait
aussi à l'optique et à la mécanique. Mais les propos qui se tenaient dans les réunions de cet aréopage putéolien n'étaient pas que
mathématiques et centrés sur les géométries non-euclidiennes ou la quatrième dimension mais aussi sur l'art africain, l'abstrait ou l'analyse
de la décomposition du mouvement par les enregistrements chronophotographiques de Marey (qui sont certainement à l'origine du nu descendant
un escalier (fig.4) de Duchamp). Il faut d'ailleurs remarquer que bien peu d'œuvres des artistes ayant appartenu à la nébuleuse
« Section d'or » présentent des dimensions ou une structure faisant apparaitre la divine proportion* ![]()
Plus tard, vers 1920, le groupe de Puteaux composé de nombreux artistes qui s'y rattachent s'intéresse au Dadaïsme et au Surréalisme,
inaugurant ainsi des développements futurs. A partir de 1925 beaucoup de ces artistes trouveront un mécène en Camille Renault, le célèbre
restaurateur du «Big-Boy»
![]() Pour un cubiste comme Villon (1875-1963), Il s'agit d'abord de l'abandon des formes arrondies et de la délicatesse du modelé au profit de grands plans et de la prédominance de la ligne droite. Villon développera dans ses œuvres un système de formes qu'il s'est inventé et qui n'est pas sans rappeler ce que Vinci appelait la vision pyramidale et que je baptiserais volontiers de majoritairement tétraédrique dans le cas, par exemple, de Vue de l'Hôtel de Ville, Jour de Marché (fig.6) œuvre d'un de ses disciples, car les diverses parties de l'objet nous seraient perceptibles sous la forme de tétraèdres dont l'un des sommets touche notre œil et la base découpe des triangles dans l'objet. ![]()
Quant à Kupka (1871-1957), d'origine tchèque, un pionnier de l'abstraction, il se distingua par des œuvres où les couleurs
l'emportent sur les soucis géométriques qui prédominent dans le cubisme. Il est le digne représentant de l'orphisme, cette tendance
invoquée par Apollinaire pour désigner le cubisme coloré, mais sa création échappe d'emblée au répertoire cubiste(fig.7). Bien sûr
d'autres peintres et sculpteurs fréquenteront l'atelier de Villon. A partir de 1925, certaines de leurs œuvres seront acquises par
le restaurateur Camille Renault qui deviendra alors le mécène incontournable de ce groupe de Puteaux.
![]() Ainsi, par les œuvres de ces peintres et sculpteurs de la « Section d'or », Puteaux a acquis une place enviable dans la grande histoire de la peinture. Puisse leur souvenir entretenir chez de nombreux putéoliens le goût des arts plastiques. J.R - 04/2021
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