" Le Puteaux de deux artistes du paysage "
par Cécile Hénnion Albert et Jean Roussaux
Maurice De Vlaminck (1876-1958) et Macario Vitalis (1898-1989)
Les deux œuvres « cheminée d'usine à Puteaux » et « bord de Puteaux » sont la représentation de deux époques de la vie de la ville. Si Puteaux a
pour un temps été une des sources d'inspiration de Vitalis, c'est plutôt la banlieue voisine qui a inspiré De Vlaminck, en particulier celle qui
jouxte le Vésinet où il a passé sa jeunesse. Vitalis, né aux Philippines, a une formation artistique, il a fréquenté des écoles d'art à San
Francisco et à Philadelphie, en revanche, De Vlaminck, d'ascendance flamande, se dit autodidacte.
Macario Vitalis fût d'abord inspiré par Villon lors de son séjour à Puteaux dans les années 1930 lorsqu' il fréquente le restaurant de Camille
Renault (« le restaurant de Camille » (1)) et travaille dans l'atelier de celui-ci. Il évoluera ensuite vers un style pointilliste bien illustré
par beaucoup de ses œuvres réalisées en Bretagne après 1957.
1 - M. Vitalis : le restaurant de Camille Renault. (La maison de Camille, Puteaux)
Maurice De Vlaminck est d'abord réputé fauviste car au salon d'automne 1905 il expose comme Matisse et Derain des œuvres aux couleurs crues ;
celles-ci sont groupées dans une même salle qui est vite baptisée par certains critiques de « cage aux fauves ». Il faut néanmoins reconnaitre que
De Vlaminck subit rapidement, consciemment ou inconsciemment, des influences diverses au cours de son œuvre. L'influence de Cézanne est avouée dans
son « paysage césannien » (2) de 1912,
2 - M. De Vlaminck, « Paysage cézannien »,1912 (Collection privée)
celle de Van Gogh aussi, mais des affinités avec les néoimpressionistes, en particulier Renoir, Seurat et
Signac, traversent également son œuvre (« la Seine à Chatou « de 1906) (3).
3 - M. De Vlaminck : « La Seine à Chatou » 1906.
Certaines toiles ont même des affinités avec des paysagistes hollandais
comme Hobbema, peut-être en souvenir de ses origines flamandes. Finalement on trouve peut-être plus d'homogénéité de style chez Vitalis que chez De
Vlaminck.
L'œuvre de De Vlaminck « cheminée d'usine » (4) date de 1911.
4 - M. De Vlaminck, « cheminée d'usine à Puteaux », 1907.
C'est une représentation d'un quartier de Puteaux, probablement vu du pont des cinq
arches car on ressent la pente dès la patrie gauche du tableau. De petits immeubles de 2 à 3 étages mêlés à de petites maisons aux toits rouges
forment comme un entonnoir d'où jaillit une spirale qui conduit à des bâtiments plus grands et plus lointains, comme une sorte de prémonition des
tours de la Défense. Bien que quelques arbres occupent la partie droite du tableau, il n'échappe à personne qu'il s'agit d'une ville déjà dense dont
la structure cahotique évoque peut-être une mutation en cours vers une encore plus grande densification. Ce tableau est une incursion de De Vlaminck
vers le cubisme et un traitement de la nature par des prismes bien délimités à la manière de Cézanne mais sans en conserver l'harmonie. On ne peut
regarder cette œuvre sans la comparer au panorama de Puteaux que présente une carte postale (5) de l'époque.
5 - Puteaux : vue générale
L'œuvre de Vitalis, « bord de Puteaux » (6) présente le pont de Neuilly en cours d'élargissement vu de la berge coté Courbevoie. Elle date
probablement de 1939. Les pierres du premier plan, les poutrelles métalliques ainsi que les grues évoquent la transformation du paysage par
l'urbanisation. La présence sur le pont et à droite, de blocs mal déterminés qui sont peut-être des barraques de chantier n'est pas sans évoquer un
train dont le sommet d'un arbre de l'ile serait la fumée. Prémonition peut-être du futur métro. Comme dans le tableau de De Vlaminck, on peut y voir
la mutation vers un urbanisme galopant.
6 - M.Vitalis: « bord de Puteaux »,1939
En conclusion ces deux œuvres de factures très différentes évoquent l'urbanisation et une certaine perte du sens de l'humain. L'homme y est
absent. Elle différent en ce que le tableau de Vitalis peut avoir une valeur de document historique, ce qui n'est absolument pas le cas celui de
De Vlaminck qui ressort d'un esthétisme délibérément exacerbé.
C.H-A et J.R - 03/2021